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Les informations sonores sont perçues et identifiées par les cellules ciliées de la cochlée. De là, l’information auditive se propage à travers un système neuronal afférent primaire composé de plusieurs relais et synapses jusqu’au cortex auditif primaire situé dans le lobe temporal : noyau cochléaire – complexe olivaire supérieur – colliculus inférieur – ganglion géniculé médian (thalamus spécifique) – cortex auditif primaire – cortex auditif non-primaire. Il existe une deuxième voie afférente non spécifique pour l’information auditive passant notamment par la formation réticulée, le thalamus non-spécifique et le cortex limbique. La cochlée est organisée de manière à ce que chaque région de celle-ci réceptionne une fréquence acoustique donnée. Cela signifie qu’une cellule ciliée donnée répond à une fréquence précise et que les cellules de proximité répondent à des fréquences proches. Cette organisation tonotopique est préservée tout au long du système auditif et plusieurs cartes tonotopiques corticales sont décrites chez l’animal et chez l’humain. En d’autres termes, un neurone donné sur les voies auditives répond de façon privilégiée à une fréquence donnée, et que deux neurones à proximité répondent à des fréquences proches. L’organisation tonototopique centrale n’est pas immuable chez l’adulte : l’apprentissage et la privation auditive provoquent une nouvelle réorganisation.
A la suite d’une stimulation, le récepteur sensoriel correspondant la transforme en influx nerveux qui va se propager jusqu’au niveau d’une zone spécifique du cerveau pour être comprise. Ce phénomène électrophysiologique se caractérise par un potentiel d’action électrique qui parcours un système de relais synaptiques et de câblages complexes à travers différentes structures cérébrales. Les neurones encodent donc l’information sensorielle en terme de leur taux de décharge électrique. Plus le cerveau reçoit de stimuli, plus il se reconfigure pour mieux gérer ceux-ci. Cette électricité cérébrale se présente sous forme d’ondes rythmées (oscillantes) dites ondes cérébrales présentant quatre rythmes physiologiques principaux définis par leur fréquence de vibration : onde alpha (8 à 12 cycles par seconde), onde bêta (12 cycles par seconde), l’onde thêta (4 à 7 cycles par seconde) et l’onde delta (0.5 à 3 cycles par seconde).
La plasticité cérébrale est la capacité des circuits neuronaux à se cabler ou se décabler en fonction des stimuli reçus. Les premières études ont démontrés que des lésions périphériques étaient capables d’altérer la fonction corticale en modifiant sa plasticité d’abord dans le cerveau en développement (atteinte plus importante) puis aussi dans un cerveau déjà à maturité. Ces modifications plastiques peuvent être adaptatives et bénéfiques, pour préserver ou améliorer une fonction, mais aussi créer de nouvelles pathologies. Il existe quatre formes principales de plasticité adaptative induites par une lésion périphérique :
- augmentation de la cartographie corticale pour une fonction sensorimotrice ou cognitive
- transfert apparent d’une fonction d’une région corticale à une autre région
- substitution sensitive par une région corticale normalement dédiée à un sens (audition) mais qui devient capable de gérer aussi un autre type de sensation (vision)
- un mode alternatif de fonction apparaît dans une région lésée qui était normalement habituée à gérer une autre fonction.
Comme les autres systèmes sensoriels, le système auditif est doué de cette plasticité évidemment dépendante de la qualité des stimulations acoustiques et des apprentissages (aussi la génétique). Cette plasticité ne concerne pas seulement le cortex auditif primaire mais aussi le niveau sous-cortical, comme le thalamus. La plasticité est non seulement générée par une perte de sensibilité résultant d’un dommage cochléaire mais aussi par la stimulation auditive des parties normales de la cochlée. Il existe ainsi une forme de compétition synaptique entre les neurones transmettant un message normal et ceux transmettant un message anormal conduisant à une nouvelle réorganisation des fonctions.
La synchronie se manifeste quand les neurones sont actifs en même temps (font feux – déchargent – ensembles) pour percevoir la même chose. Les neurones oscillent ainsi souvent ensemble, de façon synchrone, comme s’ils se mettaient d’accord pour générer leurs potentiels d’action en même temps. L’activité neuronale ordinaire au niveau des synapses dans le cerveau est relativement désynchronisée et les neurones sont normalement faiblement connectés entre eux. Des changements de longue durée dans le fonctionnement du cerveau sont induits par la plasticité neuronale au travers des connections entre neurones. Dans la plupart des cas, ces changements neuroplastiques sont positifs et permettent à l’être humain de s’adapter aux changements du milieu environnant.
La privation de stimulus auditif constitue aussi un modèle de plasticité car la réduction des entrées auditives induit des changements fonctionnels significatifs au niveau des centres auditifs. Le système auditif central à maturité possède un certain potentiel de plasticité pour restaurer une fonction, suivant même des périodes prolongées d’absence de stimulus auditif. Différentes maladies communes du cerveau (maladie de Parkinson, épilepsie, migraine, …) peuvent générer une synchronisation neuronale augmentée et conduire à des connections synaptiques pathologiques. Ces changements de plasticité peuvent modifier le chemin de l’information dans le système nerveux central. Ils peuvent provoquer et stabiliser des taux cohérents de nombreux neurones dans des populations sélectionnées, ce qui va provoquer une activité neuronale synchronisée pathologique, par exemple entre le cortex auditif primaire et le système limbique qui régit notamment l’émotivité et les réactions au stress (Jastrebroff). Ces changements fonctionnels sont modulés par des neurotransmetteurs GABAergiques, glycinergiques et glutamatergiques. Pour le moment, il n’existe pas de traitement spécifique, mais certains de ces symptômes peuvent être traités. L’acouphène rentre dans cette catégorie de physiopathologie du cerveau.
De très nombreux progrès ont été accomplis durant la dernière décennie dans la compréhension de la physiopathologie de l’acouphène subjectif. Il est de plus en plus clair que celui-ci est le résultat d’une lésion otologique induisant une privation de stimulus auditif et provoquant des modifications neuroplastiques dans les structures auditives centrales quand le cerveau est privé de ses afférences sensorielles normales provenant de la cochlée. Cette pathologie cochléaire n’est pas toujours mise en évidence lors de l’audiométrie classique, mais peut-être détectée souvent par des mesures plus spécifiques. Ces modifications neuronales peuvent apparaître déjà au niveau des synapses entre les cellules ciliées et le nerf auditif et au niveau des différents relais synaptiques jusqu’au cortex auditif primaire. La persistance à long terme d’un acouphène est aussi en relation avec des connections neuronales anormales de certains systèmes nerveux non-auditifs comme avec le système limbique. La synchronisation ainsi que le taux d’activation des neurones dans le cortex auditif jouent ainsi un rôle majeur dans l’acouphène. Cependant une synchronie neuronale augmentée et la sensation résultante d’acouphène pourrait avoir de multiples causes. La recherche en imagerie radiologique dans le cerveau humain et animal a permis de comprendre que le cortex auditif n’est pas le seul concerné lors d’acouphène mais que d’autres régions corticales et sous-corticales sont touchées lorsque l’acouphène est présent. Ce sont surtout les régions limbiques du cerveau qui sont responsables du ressenti lors de l’acouphène. La région limbique touchée peut augmenter l’importance de la perception de l’acouphène et jouer un rôle important au niveau émotionnel. Ces modifications neuronales se manifestent par une augmentation du taux de décharge neuronale, une augmentation de la synchronie neuronale et des changements dans l’organisation tonotopique dans les aires auditives centrales.
Des études plus approfondies en MEG (magnétoencéphalographie, technique de mesure des champs magnétiques induits par l’activité électrique des neurones du cerveau) ont montré une augmentation significative de la puissance spectrale dans la bande de fréquence delta (1,5 – 4 Hz) chez des patients souffrant d’acouphène en comparaison avec des sujets sains. De plus, l’activité oscillatoire alpha (8-12 Hz) observée généralement distinctement dans la population saine sont fortement réduite chez les patients souffrant d’acouphènes. En même temps, un grand nombre de sujets atteints d’acouphènes ont montrés une bande d’activité alpha basse et gamma haute (30 – 100 Hz). Des renforcements dans la bande de fréquence gamma, qui peuvent être un signe d’une augmentation synchronisée des décharges neuronales, sont impliquées dans le cortex auditif. De plus, des corrélations significatives entre une détresse liée à un acouphène et une activité oscillatoire dans le cerveau concernant les bandes de fréquences thêta (4 – 8 Hz) et gamma ont été montrées dans le cortex auditif et dans les structures du cerveau relevant de la conscience, nécessaires à la perception consciente de l’acouphène.
Il a également été démontré que différentes modalités auditives (capacité d’entendre) pourraient être codées par des réseaux neuronaux séparés dans l’espace et par des mécanismes différents. Par exemple, on a démontré que l’identification du son et la localisation du son dépendent de voies spécialisées et distinctes dans l’espace. Par conséquent, la fréquence de l’acouphène peut provenir d’un réseau fonctionnel séparé dans l’espace, probablement similaire dans l’espace au réseau de traitement de fréquence normale. Au même titre, on pourrait s’attendre à des différences dans le changement de la synchronie cérébrale dans ce réseau de traitement de fréquence, c’est à dire, dans les aires auditives mais aussi dans les aires non-auditives. Les changements liés à l’acouphène sont associés à une augmentation de l’activité cérébrale oscillatoire des bandes de fréquences delta, thêta, et gamma aussi bien qu’une diminution dans la puissance de la bande de fréquence alpha.
Bibliographie et liens
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Dernière modification 13.04.2016