L’otite moyenne aiguë (OMA)( version PDF Télécharger le PDF )

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Figure 3 : OMA stade I

L’OMA est une infection aiguë, généralement d’origine bactérienne, de la muqueuse de l’oreille moyenne et des cavités qui l’entourent[i]. Elle a une histoire naturelle favorable dans la majorité des cas[ii]. En effet, de nombreux travaux montrent que 60 à 81% des cas se résolvent spontanément sans traitement particulier[iii]. L’OMA se développe progressivement, en cinq stades anatomo-pathologiques[iv] :

  1. rougeur et gonflement de la muqueuse,
  2. sécrétion séreuse,
  3. sécrétion purulente ou suppuration,
  4. destruction localisée de la muqueuse et de l’os sous-jacent de l’oreille,
  5. formation d’une cavité d’abcès pouvant soit régresser soit s’étendre aux structures adjacentes et compliquer l’OMA.

En fonction du stade atteint, l’OMA peut être simple, avec ou sans perforation du tympan, ou destructrice laissant alors des séquelles au niveau du tympan et de l’oreille moyenne. L’OMA touche essentiellement l’enfant ; ses symptômes habituels sont : la douleur, la diminution modérée de l’audition et parfois un écoulement si le tympan est perforé. Ces symptômes sont souvent associés, de manière plus ou moins marquée et variable, à de la fièvre, une rhinite, de la toux, de l’agitation voire de l’inappétence chez le petit enfant. Le diagnostic anamnestique est plus difficile chez le nourrisson en raison de

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Figure 4 : OMA stade II

la pauvreté des symptômes d’orientation. Il faut penser à une OMA en cas de rhinopharyngite fébrile ou non, de maladies infectieuses éruptives, de fièvres isolées ou d’éruption dentaire. La clinique peut se résumer à un refus de s’alimenter, une diarrhée, des vomissements, des pleurs inexpliqués, une insomnie ou une aggravation de l’état général. L’examen clinique est primordial. L’otoscopie permet de différencier quatre stades cliniques[v]:

  1. rougeur du tympan avec une oreille moyenne vide (figure 3) ;
  2. rougeur du tympan, présence de liquide séreux d’aspect grisâtre dans l’oreille moyenne, le tympan est plus ou moins bombé (figure 4) ;
  3. rougeur du tympan, présence de liquide purulent d’aspect jaunâtre dans l’oreille moyenne, le tympan est souvent bombé et tendu (figure 5) ;
  4. perforation du tympan avec écoulement de pus (figure 6).

Les deux premiers stades correspondent à la phase inflammatoire de l’otite. Ils sont communément appelés otite congestive. Les deux derniers stades correspondent à la phase suppurative, appelée aussi otite purulente. On peut rajouter un cinquième stade qui est celui des complications. Ces cinq stades sont parfaitement superposables aux cinq stades anatomo-pathologiques décrits précédemment. Si cette classification paraît simple, en pratique la situation est beaucoup plus délicate car le diagnostic d’OMA est le plus souvent posé dans des situations d’urgence et sa qualité dépend de nombreux paramètres qui n’ont rien à voir avec la clinique. Le degré de sécurité du diagnostic d’une OMA augmente avec l’âge de l’enfant et passe de 58% pour les enfants de moins de un an à 73% pour les enfants de plus de deux ans et demi[vi]. Ces résultats illustrent bien la difficulté du diagnostic qui est aussi fonction de l’expérience de l’examinateur, du matériel d’otoscopie utilisé et des conditions d’examen (présence ou non de cérumen par exemple). La plupart des OMA sont diagnostiquées en urgence dans des situations de stress, souvent après le travail des parents. La nécessité de prendre rapidement une décision et la formation des assistants accueillant ces enfants, qui n’ont souvent « pas le droit ou le temps d’être malades », sont également des paramètres importants.

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Figure 5 : OMA stade III

Le traitement classique associe un antibiotique per os, un anti-inflammatoire per os et un décongestionnant nasal[vii]. Ce traitement systématique est de plus en plus controversé et de nouvelles règles se dégagent de la littérature[viii]. En raison de l’évolution spontanée souvent favorable de l’OMA, de plus en plus de médecins proposent d’abord un traitement des symptômes avant de prescrire un antibiotique. Le traitement antibiotique doit être réservé uniquement à l’otite purulente, c’est-à-dire aux stades otoscopiques III et IV. L’otite congestive (stades otoscopiques I et II) peut être traitée symptomatiquement par un médicament antalgique et anti-inflammatoire per os. Un contrôle est nécessaire après trois jours de traitement pour s’assurer de la bonne évolution de l’OMA. Il ne faut pas oublier que les complications ne sont pas exceptionnelles et qu’elles sont souvent liées à l’indice de suspicion du médecin traitant. La plus fréquente de ces complications est la mastoïdite[ix] et le délai de développement des complications est en moyenne d’une semaine après le début de la symptomatologie. L’apparition d’OMA chez l’adulte est beaucoup plus problématique car associée à un plus grand risque de complications, notamment d’atteinte concomitante de l’oreille interne. En cas de doute, un examen audiométrique est nécessaire.

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Figure 6 : OMA stade IV

La prise en charge des OMA récidivantes fait aussi fortement débat sans qu’un consensus général se dégage de la littérature médicale. Les grandes lignes de leur traitement correspondent à celles de l’otite moyenne sécrétoire décrite plus loin car les OMA se retrouvent souvent dans le cadre d’une otite moyenne sécrétoire. Il faut encore savoir que la résolution spontanée d’une OMA passe par un stade d’otite moyenne sécrétoire qui se résorbe normalement spontanément (plus de 90% des cas) dans un délai de moins de trois mois.


[i] http://www.md.ucl.ac.be/loumed/CD/DATA/117/S410-417.PDF

[ii] L’otite moyenne aiguë chez l’enfant. Prescrire 2003;23(237):194-208.

[iii] Mudry A. Controverses autour de l’otite moyenne aiguë. Arch Pediatr 1999;6:1338-1344. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10627908?ordinalpos=32&itool=EntrezSystem2.PEntrez.Pubmed.Pubmed_ResultsPanel.Pubmed_DefaultReportPanel.Pubmed_RVDocSum

[iv] Shambaugh GE. Surgery of the ear. Philadelphia : Saunders, 1959, p. 154-164.

[v] Wormald PJ, Browing GG. Otoscopy : a structured approach. London : Arnold, 1995, p. 44-46.

[vi] Rosenfeld R. An evidence-based approach to treating otitis media. Pediatr Clin N Am 1996;43:1165-1181.

[vii] http://www.swiss-paediatrics.org/paediatrica/vol11/n4/oma-fr.htm

[viii] L’otite moyenne aiguë chez l’enfant. Prescrire 2003;23(238):270-286.

[ix] Mudry A, Monnier P. Les complications de l’otite moyenne aiguë chez l’enfant : mythe ou réalité ? Rev Med Sui Rom 1992;112:61-64. Résumé : « L’otite moyenne aiguë est une infection fréquente chez l’enfant et ses complications ont diminués depuis l’introduction des antibiotiques. Néanmoins, elles existent et sont variées. Nous avons étudié rétrospectivement 54 enfants hospitalisés dans notre service pour une otite moyenne aiguë avec complications, dont les principales sont les suivantes : mastoïdite (29 cas), parésie ou paralysie faciale (10 cas) et otite moyenne aiguë avec labyrinthisation (5 cas). En étudiant les paramètres cliniques caractérisant ces enfants, nous avons le sentiment de nous trouver face à deux groupes d’enfant : un premier groupe présentant une otite moyenne aiguë traitée par antibiotiques qui la décapite sans la guérir complètement et évoluant à bas bruit vers des complications et un deuxième groupe présentant des symptômes non spécifiques, probablement en relation avec une otite moyenne aiguë insidieuse non diagnostiquée, apparaissant d’emblée avec une otite moyenne aiguë compliquée. »

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