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La prise en charge des acouphènes est complexe. Ce n’est qu’après un bilan médical complet comprenant au minimum deux consultations, qu’une orientation thérapeutique ppeut être envisagée, avec quatre directions principales : la stimulation acoustique (comme la thérapie auditive d’habituation (TRT) ou le masquage/bruitage fréquentiel), la neuromodulation acoustique par réinitialisation coordonnée, la prise en charge du stress et la médecine complémentaire comprenant notamment une meilleure hydratation, l’ostéopathie cranio-sacrale, et le soutien homéopathique des effets secondaires de nombreux médicaments. Cette première orientation thérapeutique reste difficile et ce n’est souvent qu’après un premier traitement que celui-ci se confirme être le plus approprié. Les traitements peuvent aussi être associés. Si la cause est connue, il faut la traiter, mais ce n’est que rarement le cas. Dans les autres situations, il faut que le traitement envisagé n’occasionne pas plus de problèmes ou d’effets secondaires que l’abstention thérapeutique. De nombreux traitements ont été proposés et des nouveautés apparaissent régulièrement sur le marché.
Même s’ils sont souvent prescrits, les médicaments vasoconstricteurs n’ont aucun effet reconnu de même que les méthodes de stimulation externe que ce soit l’électrostimulation, les ultrasons ou le laser de basses fréquences. Le traitement est souvent long et les résultats ne se font sentir qu’au bout de plusieurs semaines. Les médecines dites énergétiques, comme l’acupuncture, ont aussi un certain succès à ce niveau. Dans les cas d’acouphène avec presbyacousie, l’amplification apportée par l’appareil auditif permet souvent d’atténuer la gêne provoquée par les acouphènes. La clé du traitement ou plutôt de l’acceptation de l’acouphène réside essentiellement dans le vécu du patient et dans la compréhension du mécanisme supposé être responsable de l’acouphène. L’acouphène peut parfois être considéré comme une « sonnette d’alarme » du corps pour nous montrer que quelque chose ne va pas très bien.
Depuis plus de 15 ans, des chercheurs du Juelich Research Center, autour de Peter Tass, ont réussi à démontrer une synchronisation neuronale anormale en cas d’acouphène et développer une méthode thérapeutique simple et non invasive, appelée neuromodulation auditive, visant à redésynchroniser ces neurones au moyen de stimuli sensoriels auditifs et ainsi diminuer les symptômes produits en réinitialisant de manière coordonnée la fonction de ces neurones. Cela conduit à un processus de désapprentissage de la synchronie neuronale et de la connectivité synaptique pathologiques, en d’autres termes à une réinitialisation coordonnée des stimuli auditifs. Le but final est donc de changer le comportement neuronal pathologique caché derrière l’acouphène. Pour pouvoir profiter de ce type de traitement, le patient doit avoir plus de 18 ans, présenter un acouphène subjectif chronique de plus de 3 mois au minimum, avec une fréquence stable et parfaitement identifiable (entre 400 Hz et 10’000 Hz) – la clé de la sélection de patients – et être susceptible de comprendre et gérer correctement l’application du traitement. Il doit aussi être capable d’entendre tous les sons utilisés pour la stimulation (importance du bilan audiométrique avant le traitement). La sélection correcte des patients est un des meilleurs gages de succès du traitement. Les contre-indications au traitement sont : l’amblyacousie (incapacité d’entendre les quatre sons utilisés pour la stimulation), les hallucinations auditives, les maladies symptomatiques de l’oreille, la maladie de Menière, les maladies du tronc cérébral, les maladies psychiatriques, les acouphènes objectifs ou provoqués par une pathologie de l’articulation temporo-mandibulaire. Actuellement, ce type de traitement n’est plus accessible car une nouvelle version utilisant une application est en cours de développement.
Le principe de la neuromodulation est donc d’envoyer un stimulus sensoriel pour séquentiellement réinitialiser les phases des différentes sous-populations neuronales stimulées en les désynchronisant à nouveau. La stimulation de la réinitialisation coordonnée a été développée sur la base de méthodes de physiques statistiques et de dynamiques non linéaires. Le but de l’application thérapeutique de la stimulation est de parvenir indirectement à une désynchronisation. Et en conséquence de faire en sorte que la population neuronale affectée désapprenne une synchronie pathologique en passant d’un réseau initial synchronisé (i.e. pathologique) à un réseau instable (état de groupe) duquel il se relaxe de manière transitoire dans un état désynchronisé. La stimulation stimule la population pathologiquement synchronisée à différents endroits à différents moments. Dans le cas d’une neuromodulation acoustique (ex : lors d’acouphène), on utilise plusieurs sons de différentes fréquences. La voie auditive a une organisation tonotopique (projection sur le cortex) complexe et hiérarchisée.
Au travers de la neuromodulation acoustique, une stimulation spatialement distincte est obtenue en utilisant l’organisation tonotopique du système auditif central, par exemple: le cortex auditif primaire : des sons de différentes fréquences (groupés autour de la fréquence de l’acouphène) induisent une réinitialisation dans différentes régions du cortex auditif organisé de manière tonotopique. En plus d’être distribuées distinctement spatialement les stimuli sont appliqués de manière coordonnées dans le temps, i.e. distribués séquentiellement et également distribués dans des intervalles de temps spécifiques correspondant approximativement à la moyenne de la période de l’oscillation pathologique. La durée et la force de la stimulation dépendent de l’importance de la synchronisation pathologique de la population neuronale stimulée. Une désynchronisation induite par la stimulation résultera en un taux plus bas de décharge neuronale coïncidente, amenant à une diminution de la connectivité synaptique dans la population neuronale stimulée. Ainsi, sur une longue échelle de temps, les réseaux neuronaux passeront d’un état synchronisé (état pathologique d’attraction) avec une forte connectivité synaptique à un état désynchronisé (état physiologique d’attraction) avec une faible connectivité.
Les stimuli sont confinés au foyer synchronisé de l’acouphène. Le but de la stimulation consiste à contrer spécifiquement par désynchronisation un foyer synchronisé dans le cortex auditif organisé de manière tonotopique, localisé dans une région correspondant à la fréquence dominante de l’acouphène. Les signaux de stimulation sont générés sur la base d’une formule spécifique reflétant l’organisation logarithmique tonotopique du cortex auditif et sur la fréquence déterminée de l’acouphène. Ce calcul aboutit à une séquence de 4 sons. Deux sons sont placés en dessous de la fréquence de l’acouphène du patient et deux sons au dessus. Cette thérapie peut modifier de manière significative la fréquence originale de l’acouphène. C’est la raison pour laquelle, les sons de stimulation doivent être régulièrement réajustés et contrôlés pendant le suivi.
Bibliographie et liens
Eggermont JJ, Tass PA. Maladaptative neural synchrony in tinnitus: origin and restoration. Front Neurol 2015;6(art 29):1-17
http://www.desyncra.com
Dernière modification 14.09.2022