Introduction( version PDF Télécharger le PDF )

Née au début des années cinquante avec la description des principales techniques utilisées actuellement, la chirurgie de l’oreille est devenue courante à la fin des années septante. C’est une chirurgie délicate qui s’effectue au microscope, d’où son appellation de microchirurgie. Se pratiquant avec une instrumentation fine et particulière, elle demande un long apprentissage car il n’y a jamais de chirurgie banale ou de routine. Chaque oreille est différente et il n’y pas de technique universelle mais plusieurs écoles, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Concernant essentiellement l’oreille moyenne, la chirurgie de l’oreille a cinq objectifs principaux :

  1. l’éradication de la maladie de l’oreille,
  2. la restitution d’un tympan fonctionnel,
  3. la restauration d’un système de transmission du son entre le tympan et l’oreille interne par reconstruction ou remplacement de la chaîne des osselets,
  4. la conservation de l’aération de la caisse du tympan,
  5. la création d’une oreille ne nécessitant pas de soins réguliers spécialisés.

La microchirurgie de l’oreille est basée sur trois principes fondamentaux :

  1. la pertinence de l’indication opératoire,
  2. la gestuelle chirurgicale,
  3. la stratégie opératoire.

Ces trois principes fondamentaux sont indispensables en chirurgie de l’oreille, car c’est une chirurgie difficile et pleine d’embûches.

Le premier principe fondamental en chirurgie de l’oreille est la pertinence de l’indication opératoire. « Un bon chirurgien de l’oreille est celui qui est capable de refuser de pratiquer une opération. » Cette maxime démontre toute la difficulté de poser une bonne indication opératoire. Il y a des indications acceptées par tous les chirurgiens et il y a des indications qui sont fortement discutables. Schématiquement, on peut répartir les indications opératoires en trois groupes :

  • Les indications indispensables : si la chirurgie n’est pas pratiquée, des risques importants existent pour le patient. Ce type d’indication concerne surtout le choléstéatome et les otites moyennes d’évolution défavorables.
  • Les indications nécessaires : la chirurgie est la seule solution pour résoudre le problème, mais le patient ne court pas de risques importants si rien n’est fait. Ce type d’indication concerne surtout les séquelles d’otites moyennes, comme les perforations du tympan.
  • Les indications utiles : il existe différents traitements possibles et la chirurgie est une alternative. Ce type de chirurgie concerne surtout les opérations qui ont pour but premier d’améliorer l’audition dont la plus fréquente est la chirurgie de l’étrier en cas d’otospongiose[i].

Avant toute chirurgie de l’oreille, l’indication opératoire doit être clairement discutée. Prendre un deuxième avis peut être opportun ; il faut cependant être conscient qu’il peut être donné par un collègue n’ayant pas les compétences chirurgicales nécessaires[ii]. La chirurgie de l’oreille demande une connaissance la plus complète possible du développement et de l’évolution des maladies de l’oreille qui peuvent nécessiter une opération ou être améliorées par la chirurgie. Elle requiert aussi une parfaite connaissance des résultats obtenables en fonction du geste chirurgical choisi. Ce n’est pas la beauté du geste qui est importante, c’est le résultat.

Le deuxième principe fondamental est la maîtrise de la gestuelle chirurgicale. L’acquisition d’une bonne gestuelle chirurgicale demande une longue période de formation et d’entraînement[iii]. Comme il existe différentes écoles de chirurgie associées à différentes techniques de base[iv], l’acquisition des grandes lignes de la gestuelle chirurgicale peut prendre de nombreuses années. Un autre aspect de cet apprentissage est la maîtrise des possibilités techniques offertes par les instruments de microchirurgie spécifiquement développés pour ce type d’opération. « Ce n’est pas l’instrument qui fait le chirurgien mais le chirurgien qui fait l’instrument, ou plutôt qui l’utilise à bon escient. » Cette deuxième maxime reflète l’importance de cette gestuelle chirurgicale qui doit être entretenue régulièrement pour rester performante. La qualification du chirurgien est souvent un sujet tabou qui devrait pourtant être abordé sans gêne. Le patient est en droit de connaître l’expérience de son opérateur avant d’accepter une intervention.

Le troisième principe fondamental est la stratégie opératoire, à savoir quel type de technique chirurgicale choisir en fonction de la situation présentée. Cet élément va jouer un rôle fondamental dans les résultats obtenables en chirurgie de l’oreille. Cette stratégie opératoire s’acquiert au fil des opérations et reflète bien l’expérience du chirurgien. Elle s’obtient aussi par la lecture régulière des journaux et des ouvrages spécialisés qui présentent périodiquement les nouvelles techniques, les techniques et les pièges à éviter. Elle se complète par l’assistance régulière à des opérations en direct, soit auprès de confrères, soit lors de congrès de chirurgie de l’oreille[v]. En conclusion, il est évident que chaque technique chirurgicale a sa valeur entre les mains de l’opérateur qui la pratique couramment. Mais elle a aussi sa valeur propre : on choisit une technique en fonction de sa simplicité, de son prix et des résultats fonctionnels à long terme. Il est parfois nécessaire d’effectuer l’opération en deux étapes, notamment en présence de certaines maladies spécifiques de l’oreille. « Chaque geste chirurgical doit être, comme aux échecs, le résultat d’un plan logique. Les désastres chirurgicaux sont souvent la conséquence d’actions mal conçues et hasardeuses. Seule l’utilisation constante de principes raisonnables et logiques basés sur la connaissance et l’expérience va permettre au chirurgien de réagir adéquatement, même dans les situations les plus inattendues. »[vi] La relation de confiance entre le chirurgien et le patient est aussi primordiale. Les informations données, notamment sur les risques de complications, doivent être fonction du niveau d’éducation du patient mais aussi de l’expérience personnelle du chirurgien[vii].

La première étape d’une chirurgie de l’oreille est l’ouverture pratiquée pour accéder à la zone de travail. Cette « ouverture » s’appelle la voie d’abord [viii]. La chirurgie de l’oreille concerne surtout le conduit auditif externe, le tympan, les osselets et la mastoïde.


[i] http://titan.medhyg.ch/mh/formation/print.php3?sid=24073

[ii] Un chirurgien expérimenté propose une chirurgie pour une perforation du tympan. Un confrère ne pratiquant pas ce type de chirurgie peut parfois déconseiller l’opération. Où se trouve le bon avis médical ?

[iii] Cet entraînement s’effectue le plus souvent dans le cadre de cours spécialisés où le chirurgien a la possibilité de pratiquer des opérations sur des oreilles prélevées sur des cadavres.

[iv] Elles portent souvent des noms différents même si elles sont parfois quasi similaires.

[v] http://www.lion-web.org/

[vi] Fisch U. Tympanoplasty, mastoidectomy and stapes surgery. Stuttgart : Thieme, 1994.

[vii] Wormald PJ. Pre-operative information in mastoidectomy : what about the facial nerve and hearing loss ? J Laryngol Otol 1996;110:10-12. La loi impose de présenter les complications possibles de cette chirurgie si elles sont supérieures à 1%. La difficulté réside dans la manière d’interpréter ce chiffre : est-ce le nombre de complications relevées dans la littérature ou bien le nombre de complications constatées par le chirurgien ?

[viii] Fritsch M. MRI scanners and the stapes prosthesis. Otol Neurotol 2007;28:733-3

Dernière modification 20.04.2015

Articles liés